Un centre d’études sur les médias haïtiens à Québec

Les journalistes haïtiens Clarens Renois, Valéry Daudier, Péguy Jean, Farlène Thélisdort, Herwil Gaspard et les professeurs d’université François Demers, Jean Charron de l’Université Laval et Claude Joseph de l’Université de Connecticut ont débattu, le samedi 15 septembre, à l’Université Laval du Québec, de l’attachement des Haïtiens de la diaspora aux médias de leur pays d’origine, du rôle des médias dans la démocratie, entre autres. Valéry Daudier a en particulier présenté le paysage médiatique haïtien et l’évolution du Nouvelliste, doyen de la presse haïtienne, à l’ère du numérique. Cette conférence-débats marquait le lancement officiel du Centre d’études interdisciplinaires sur les médias haïtiens (CEIMH).

Partis pour des raisons diverses, les Haïtiens à l’étranger n’ont jamais rompu les liens pour autant avec leur pays d’origine. Il y a un peu plus de deux décennies, les lettres envoyées par voie postale ou encore les cassettes étaient les moyens de communication les plus utilisés. S’en sont suivis le téléphone et Internet qui ont transformé le monde en un petit village. Pour marquer le lancement officiel du Centre d’études interdisciplinaires sur les médias haïtiens (CEIMH), les responsables ont jugé nécessaire de débattre de l’attachement des Haïtiens aux médias de leur pays d’origine. Des dizaines d’Haïtiens ont pris part aux discussions.

Avec l’apparition des réseaux sociaux, les médias traditionnels n’étaient-ils pas en danger? Valéry Daudier, assistant secrétaire de rédaction du Nouvelliste, a présenté « L’accessibilité du journal Le Nouvelliste à l’ère du numérique ». Le journaliste a expliqué comment le doyen de la presse haïtienne a suivi la transition vers le numérique en créant non seulement un site internet depuis 2006, mais aussi en étant présent sur les réseaux sociaux. « On n’est en concurrence avec personne, a déclaré Valéry Daudier. On essaie de faire notre travail avec professionnalisme. Le principe, c’est rater un scoop au lieu de communiquer une information inexacte. Peu importe les critiques envers Le Nouvelliste, il reste un média fiable pour vérifier des intox partagés sur les réseaux sociaux. »

Au début de sa présentation, M. Daudier a évoqué la singularité d’Haïti, petit pays en termes de territoire mais riche au niveau de paysage médiatique. « Les données du Conatel ont montré qu’il y avait près de 700 radios émettant sur le territoire, environ 250 chaînes de télévision pour seulement deux quotidiens », a souligné l’assistant secrétaire de rédaction du Nouvelliste.

Ancien candidat à la présidence d’Haïti, l’ancien journaliste de carrière Clarens Renois a, de son côté, souligné la dimension politique de cet attachement des Haïtiens aux médias de leur pays d’origine. Il a montré comment l’Haïtien de la diaspora fait son tri, comment il peut influencer ses proches à prendre des décisions, à voter dans un sens ou dans l’autre. Avec des anecdotes, l’ancien journaliste de Radio Métropole et de l’Agence France Presse, entre autres médias, a soulevé la question de qualité des informations. Souvent, les gens s’intéressent beaucoup plus aux « zen », aux ragots qu’aux informations de qualité.

Péguy Jean de Radio Signal, l’un des conférenciers, était chargé d’expliquer le rôle et la responsabilité des médias dans la construction démocratique. Le journaliste, également avocat au barreau de Port-au-Prince, a mis l’emphase sur la nécessité de réguler le secteur. La section qui revient toujours : « Qui est journaliste et qui ne l’est pas ? »

Les professeurs François Demers, Jean Charron (Université Laval), Claude Joseph (Université de Connecticut) ont également placé leur mot dans les débats animés. Le professeur Claude Joseph a présenté « la participation des Haïtiens de la diaspora dans le débat public haïtien et son impact sur les politiques publiques en Haïti, mettant l’emphase sur les transferts de la diaspora. Il a aussi soutenu que le vote n’est pas le seul acte de participation citoyenne. «Avec des élections organisées tous les cinq ans ou plus, la flamme de la démocratie s’éteindrait si le vote devait être considéré comme le principal acte de participation citoyenne.»

Toute la journée du samedi 15 septembre n’aurait pas suffi pour répondre aux questions des participants à cette activité (subventionnée par la Fokal) organisée en collaboration avec l’Association des étudiants antillais de l’Université Laval (AEAU), de l’Association haïtienne de Québec (AHQ), de Kolèg et de la Chaire dynamique migratoire mondiale. Selon Wisnique Panier (modérateur à la conférence) et Jobnel Pierre (ancien journaliste du Nouvelliste), initiateurs principaux du Centre d’études interdisciplinaires sur les médias haïtiens (CEIMH), il s’agit d’une institution apolitique et à but non lucratif ayant pour mission de réaliser des activités de recherche scientifique et de réflexion sur les médias haïtiens de manière spécifique.

« Réaliser des recherches scientifiques sur tous les aspects relatifs aux médias haïtiens en général ; créer un espace permanent de discussion et d’échange entre chercheurs, patrons de médias, journalistes, pouvoirs publics et société civile sur des thématiques liées au fonctionnement des médias haïtiens et sur leurs rôles dans le développement socioculturel, économique, politique et démocratique d’Haïti » constituent, entre autres, le bien-fondé du CEIMH.

Source: Le Nouvelliste

X